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Pendant des années, lorsqu’il voyait une jeune fille – et surtout une jeune fille africaine –, Sammy Sampson était submergé d’images, de sons et même d’odeurs des camps de réfugiés rwandais. Il se sentait aussi envahi par la culpabilité et la honte en pensant à toutes les personnes qu’il n’avait pas pu aider quand il était un soldat canadien en mission de maintien de la paix. Puis, la dépression s’installait.

Sammy s’est enrôlé dans l’armée à l’âge de 17 ans. Pendant ses 21 ans de carrière, il a été déployé dans sept opérations différentes, y compris des missions de combat, et il a aussi participé à plusieurs missions humanitaires et de maintien de la paix.

Mais c’est le temps que Sammy a passé au Rwanda, en mission de maintien de la paix à la suite de la guerre civile qui a déchiré le pays, qui l’a affecté le plus profondément. En travaillant dans les camps de réfugiés surpeuplés, Sammy a fait tout ce qu’il pouvait, mais en raison de l’ampleur de la dévastation et du nombre immense de personnes déplacées, il était impossible d’aider tout le monde. Pour passer au travers de cette épreuve, Sammy a adopté l’attitude qu’il pouvait seulement « faire de son mieux ». Pourtant, il était profondément troublé par toutes les personnes qu’il ne pouvait pas aider : celles qui ont été tuées dans le génocide, des réfugiés malades et blessés, ainsi que de jeunes orphelins qui n’avaient plus personne pour s’occuper d’eux.

Lorsque Sammy a été libéré des Forces canadiennes pour des raisons médicales à la suite d’une blessure à la colonne vertébrale, il présentait des symptômes de trouble de stress post-traumatique (TSPT). Il faisait des cauchemars, s’isolait et avait des périodes de crise qui pouvaient durer plusieurs semaines. Mais il ne considérait pas que c’était un problème grave et croyait tout simplement que c’était une étape à passer pour devenir un homme. Puis, en 2012, il est devenu père et tout a changé.

« Tout d’un coup, mon stress post-traumatique a pris de l’ampleur et je me sentais complètement dépassé. » Sammy explique qu’il a commencé à imaginer que toutes les choses horribles qu’il avait observées au Rwanda arrivaient à sa fille. « Toute ma vie s’est comme arrêtée. Je ne pouvais plus dormir. Les pensées défilaient dans ma tête et étaient hors de contrôle, elles devenaient de plus en plus intenses avec le temps. Je n’arrivais même pas au stade de la dépression, je ressentais une peur et un stress constants. Surtout, je doutais de beaucoup des décisions que j’avais prises au Rwanda, je regrettais de ne pas avoir ramassé ces milliers d’enfants dans mes bras pour les amener loin de là. »

« Le rétablissement, c’est d’avoir les outils dont j’ai besoin pour faire face à ma vie. Je crois que personne ne pourra jamais effacer le Rwanda ou aucune autre de ces opérations de mon esprit. Le mieux que nous pouvons faire est de trouver des façons d’aider les soldats comme moi à faire face aux choses qu’ils ont vues et faites. Je pense que la seule manière d’y parvenir est de se pardonner. »

Il savait qu’il devait obtenir de l’aide immédiatement. « Je m’étais complètement engagé à être un excellent père et mari, donc je n’avais pas d’autre choix. Quelqu’un devait m’aider à m’en sortir. »

Sammy s’est présenté à la clinique des traumatismes de stress opérationnel (TSO) du Royal. « Les gens en parlent comme d’une lueur d’espoir, mais je me demandais si ça allait fonctionner pour moi. » Un effort d’équipe a tout de suite été lancé pour aider Sammy à cheminer vers le rétablissement, avec l’aide de travailleurs sociaux, d’infirmières et d’un psychiatre : « J’ai ressenti beaucoup d’attention, beaucoup de bienveillance et beaucoup de préoccupation au sujet de ma santé mentale. »

La thérapie par exposition faisait partie du traitement de Sammy. On l’enregistrait pendant qu’il racontait ses expériences au Rwanda, puis il écoutait la bande à répétition pour apprendre à accepter ces mauvais souvenirs : « La chose la plus difficile que j’ai fait ce jour-là, chaque jour, c’était d’allumer cette enregistreuse et d’écouter ma voix. » L’équipe l’a aussi aidé à gérer ses problèmes de sommeil et à calmer son hyper-vigilance.

Sammy faisait des progrès, mais sa culpabilité au sujet de plusieurs de ses expériences au Rwanda continuait de le tourmenter, jusqu’à ce qu’une percée dans son traitement change complètement sa perspective. On a demandé à Sammy d’imaginer qu’il racontait à un soldat sous ses ordres que les traumatismes qu’il avait vécus étaient de sa faute et qu’il devait en assumer la responsabilité. Sammy s’est alors rendu compte qu’il n’avait pas à se blâmer pour ce qui était arrivé. « Une fois que je me suis libéré l’esprit, j’étais soulagé et j’ai pu reprendre ma vie. »

Avec cette nouvelle perspective, Sammy a poursuivi sa thérapie et il est maintenant rétabli. La clé de son mieux-être est qu’il possède désormais les outils nécessaires pour gérer son TSPT. « Les images sont encore là, mais maintenant je suis capable de me dire que ce n’est pas de ma faute. Je dois encore relever des défis, mais ils ne me mettent pas hors service pendant plusieurs heures ou même plusieurs jours. »

Surtout, Sammy est désormais le père qu’il voulait être. « Je ne pourrais jamais assez remercier l’équipe de la clinique des TSO pour nous avoir donné, à ma fille et moi, la relation que tout le monde mérite d’avoir. »